Charles Frederick Worth : L’homme qui a façonné l’industrie de la mode moderne
Connu comme le « père de la haute couture » et l’un des pionniers les plus influents de l’industrie de la mode mondiale, Charles Frederick Worth a révolutionné le domaine en introduisant des modèles vivants, en inventant la collection de mode et en apposant des étiquettes sur les vêtements.
Né dans des conditions modestes à Bourne, dans le Lincolnshire, il a transformé la mode féminine et a bâti une immense fortune en devenant le créateur favori des têtes couronnées et des célébrités. Il a ainsi ouvert la voie à des noms emblématiques tels que Christian Dior, Yves Saint Laurent et Coco Chanel. Sa ville natale s’apprête aujourd’hui à célébrer le bicentenaire de sa naissance.
« Il a été le premier créateur de renom, reconnu comme un arbitre de la mode et du style, et il a façonné l’industrie telle que nous la connaissons aujourd’hui », explique la professeure Amy De La Haye, conservatrice au London College of Fashion et co-autrice de The House of Worth, Portrait of an Archive. « Pendant un temps, il était le créateur le plus célèbre et prestigieux au monde. »
Une ascension fulgurante
Parmi ses clientes figurent la reine Victoria, l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, ainsi que des actrices et chanteuses renommées comme Lillie Langtry et Nellie Melba. Le nom de Worth est rapidement devenu synonyme de luxe, tandis que ses ateliers, comptant plus de 1 000 employés, transforma définitivement l’industrie de la mode.
Pourtant, rien dans ses débuts n’annonçait un tel destin. Né en octobre 1825, Charles Frederick Worth fut envoyé travailler dès l’âge de 11 ans après que son père, un avocat, eut perdu toute la fortune familiale. Employé dans une mercerie locale, il se fit remarquer pour son talent à embellir les chapeaux afin de faire sourire les dames de Bourne.
Après un passage à Londres dans le secteur du textile, il s’installe à Paris à 21 ans. C’est là qu’en 1858, avec l’aide d’un associé, il fonde la Maison Worth. Deux ans plus tard, il réussit un coup de maître en convainquant une dame influente de la cour de Napoléon III de porter ses créations. Impressionnée, l’impératrice Eugénie exigea de rencontrer Worth dès le lendemain. Cette collaboration propulsa sa carrière au sommet de la mode parisienne.
Une influence durable sur l’industrie
En plus de devenir le designer attitré des élites, Worth introduisit des innovations majeures. « Il fut l’un des premiers à concevoir des collections en amont pour ses clientes », précise la professeure De La Haye. Il révolutionna également la présentation des vêtements en utilisant des mannequins vivants, et fut le premier à coudre des étiquettes dans ses créations, posant ainsi les bases du label de mode moderne.
Il transforma le rôle du créateur, passant de simple artisan au rang de véritable expert dictant les tendances. Certains lui attribuent même l’invention de la tournure, un élément clé qui redéfinissait la silhouette féminine en rassemblant le tissu à l’arrière, facilitant ainsi les mouvements quotidiens.
La Maison Worth ne cessa de croître, passant de 50 à plus de 1 000 employés au fil des années. « Son véritable génie résidait dans le marketing », souligne Olivia Worth van HoegaErden, son arrière-arrière-petite-fille. « Même les duchesses s’inclinaient devant lui ; il était une sorte d’empereur. »
Un héritage intemporel
À son apogée, Worth était le créateur le plus célèbre du monde. « Des clientes américaines traversaient l’Atlantique en bateau pour se faire habiller chez lui. Il prenait leurs mesures et expédiait leurs tenues par paquebots de luxe vers New York ou d’autres villes américaines », ajoute la professeure De La Haye.
Décédé à Paris en 1895, Charles Frederick Worth laissa son entreprise à ses fils. La Maison Worth continua pendant trois générations avant de fermer en 1952, après le départ à la retraite de son arrière-petit-fils Roger. Certaines créations de la Maison Worth auraient même sombré avec le Titanic en 1912, selon De La Haye.
Beatrice, la mère de la créatrice britannique Dame Zandra Rhodes, travailla comme coupeuse de patrons à la Maison Worth dans les années 1930. Pour Dame Zandra, Worth était l’un des « pionniers » de la mode, « préparant le terrain pour tous les créateurs qui ont suivi ».
Olivia Worth van HoegaErden conclut : « Je suis si fière qu’il ait laissé un héritage pour tous les couturiers, mais aussi une descendance qui a perpétué son œuvre durant plusieurs générations. »